(dernière mise à jour : 9/12/2006)

La Version lithuanienne

abstract

Dans le Wörterbuch der littauischen Sprache de Georg Nesselmann (Königsberg, 1851) on a les entrées :

Aušra die Morgenröthe l'aurore
Aušros žwaigždė der Morgenstern l'étoile du matin
Aušrinne der Morgenstern l'étoile du matin
Aušrinnis der Nord-Nord-Ostwind le vent du Nord-nord-est

Le conte « La Soleil et la mère des Vents »

Il y avait trois frères. L'un d'eux, nommé Joseph, voyait de ses propres yeux deux saulé « soleil », le matin en déjeunant et le soir au dîner ; à d'autres moments de la journée, il n'en voyait qu'une. Il demanda à ses frères de le laisser partir à la recherche de la seconde saulé. Les frères consentirent à sa demande et le bénirent (en prenant congé de lui).

Il s'en alla vers d'autres pays et avait à traverser d'immenses forêts. Soudain, il entend un vacarme dans la forêt. Sa curiosité s'éveille. Il voit alors un lion, un épervier, une fourmi et un loup qui, après avoir égorgé un bœuf, ne savent pas se le partager. Le lion sentit la chair humaine [reconnut l'homme] et il l'interpella :
— Brave homme, sois aimable, partage-nous cette viande.
[Joseph] sépara la tête du reste et la donna à la fourmi :
— Tu es petite et tu pourras curer les moindres trous !
Il donna ensuite la chair au lion, les os au loup, les entrailles à l'épervier.
— Êtes-vous contents de mon partage ?
— Nous te sommes très reconnaissants.
Chacun lui donna alors un peu de son poil, la fourmi un duvet de sa moustache et l'épervier une plume.
— S'il t'arrive un malheur, pense intensément à ces objets et il en sera comme tu le désires.

[Joseph] continua son chemin dans la forêt ; quand il eut faim, il pensa au loup et se transforma en loup. Il attrapa un mouton et mangea à sa faim. Il pensa à l'épervier, le devint et se transporta rapidement dans un pays étranger. Il eut la chance de tomber sur la Mère des Vents. Il entra alors dans sa maison et la salua pieusement :
— Que cherches-tu ?
— Je cherche la seconde saulé !
— Je vais lancer cette pelote, suis son fil et tu arriveras auprès de ma mère.

Redevenu épervier, il prit alors le fil de la pelote dans son bec et s'envola au loin, jusqu'à ce qu'il arrive chez la Mère des Vents. La Mère le prit comme gardien de verger :
— Si tu réussis à garder le verger, tu sauras demain où se trouve la seconde saulé !
Elle lui donna une épée et il partit au verger. A minuit, se présenta un homme si grand que ses jambes étaient aussi hautes que les arbres. Le géant approche de la clôture, arrache les arbres un à un et les emporte. Joseph lève alors son épée et coupe les bras du géant. Celui-ci s'en va. Une heure plus tard, arrive un autre géant qui avance en écrasant sous ses pieds les arbres de la forêt. Il s'appuie sur la clôture et essaie d'arracher de nouveau un pommier. [Joseph] lui coupe la tête. Puis vint le troisième géant et [Joseph] le coupa en deux.

Au lever du soleil, il s'en fut chez la maîtresse de maison, et lui raconta les malheurs de cette nuit. Revenant avec la Mère au verger, ils y trouvèrent les trois géants tués. Pour ce haut fait, elle lui fit don de trois pommes. Ces pommes étaient d'une valeur considérable. Elle convoqua alors ses enfants, les quatre Vents, et leur demanda :
— N'avez-vous pas vu quelque part la seconde saulé ?
Le Vent du Nord répondit :
— Ce n'est pas un soleil. J'y étais aujourd'hui et je l'ai vue. Sur une île, dans la mer, il y a une damoiselle qui a un manoir. Ses cheveux sont comme ceux du soleil.

La Mère des Vents lança [à Joseph] sa pelote. Il en prit le fil dans son bec d'épervier et parvint au bord de la mer. Alors le Vent du Nord accourut vers lui et le conseilla : — Maintenant, attends le soir. Le taureau de la damoiselle rentrera de la forêt, suivi de trois vaches, il traversera la mer à la nage pour aller de l'autre côté. Accroche-toi à la queue du taureau, il t'amènera sur l'autre rive. A l'approche du rivage, plonge dans l'eau, car il t'encornerait s'il te voyait. Une fois sorti de l'eau, tu trouveras sur cette île une souche de bouleau. Cache-toi sous cette souche, parce que le taureau te cherchera. Après le déjeuner, entre dans la maison, tu trouveras dans une chambre une jeune fille endormie. Elle dort à plat ventre. Monte sur elle comme sur un cheval, enroule ses cheveux autour de tes mains. Elle dira : « Lâche-moi ! sinon la terre disparaîtra et se changera en mer. » Dis-lui : « Moi, je surnagerai en me tenant sur toi. » Trois fois, elle répétera ces mots. Puis elle dira : « Tu es à moi, je suis à toi. » A ce moment-là, relâche-la.
Le taureau rentra de la forêt avec les vaches. [Joseph] s'accrocha à sa queue et fut ainsi transporté à travers la mer. Il fit alors tout ce qui avait été dit. Il relâcha la jeune fille, quand elle eut prononcé : « Tu es à moi, je suis à toi. » Ils vécurent là-bas pendant de longues années, lui ayant un rang inférieur, en qualité de son domestique. Tous les matins, il conduisait lui-même les vaches sur l'autre rive. Le taureau ne l'attaquait plus.

Une fois, il trouva un cheveu de la damoiselle accroché à un églantier ; ensuite, il trouva une noisette vidée. Enroulant ce cheveu, il le glissa à l'intérieur de la noisette et la jeta dans la mer. Alors jaillit du fond de la mer un rayon, et il se réfléchit au ciel comme une énorme étoile.

Un prince, en naviguant sur la mer, vit cette nouveauté. Il dirigea son bateau tout droit sur cette étoile, s'approcha d'elle, regarda par la lunette et aperçut la noisette. Il rentra précipitamment à la maison. Il avait une grand-mère qui était ragana « sorcière ».
— Dis, grand-mère, qu'est-ce que c'est que ce cheveu ?
— Il existe une jeune fille avec de tels cheveux.
— Ne pourrais-tu pas la ramener ici ? Je te moulerai un berceau en or, jour et nuit je t'y bercerai.
La ragana se changea en mendiante et partit chez la damoiselle, elle lui raconta qu'on l'avait abandonnée sur le bord de la mer :
— Je suis une pauvre mendiante, je leur ai demandé de me prendre avec eux pour un bout de chemin, mais ils m'ont laissée ici. Soyez aimable, madame, prenez-moi comme domestique. Je serai pour vous une loyale servante.
On l'accepta. Elle y resta une semaine, puis une autre et se fit accepter comme fidèle servante. Tout ce que la jeune fille lui dit de faire, elle le fit deux fois mieux. La ragana, voyant le prince la nuit, lui ordonna de mouler une nef en or et de se présenter à l'endroit où il avait trouvé la noisette. Et elle commanda qu'il eut un pont en argent.

Le matin, à huit heures, la jeune fille se leva, sortit de son manoir et vit une nouvelle nef. Elle n'avait encore jamais vu pareil navire. La vieille femme se mit à l'inciter :
— Allons y jeter un coup d'oeil !
La jeune fille était sortie tête nue. Elle voulut rentrer pour chercher son fichu. La ragana lui dit :
— Je vais te l'apporter !
L'époux de la damoiselle dormait encore. La ragana prit le couteau et l'égorgea. Elle sortit les poumons et le foie et, en revenant, les jeta à la mer.

La maîtresse ignore tout cela. Elle s'approche du navire, mais ne voit personne à bord. La ragana cherche à persuader la maîtresse d'aller voir sur le navire. Dès qu'elles furent montées à bord, le navire prit le large. Le prince apparut et amena la damoiselle dans ses appartements.
— N'aies pas peur. Tu seras mieux chez moi qu'ici. Je possède un royaume, j'ai une armée.
Il l'amena dans son royaume. Il voulait l'épouser tout de suite.
— Je ne puis me marier avant un an ! Je porte le deuil de mon père qui est mort récemment.
Autant qu'elle le pouvait, elle retardait le moment du mariage.

Les quatre Vents accoururent auprès de leur mère pour prendre des nouvelles. Ils voient que toutes les pommes, dans le verger de leur mère, sont flétries.
— Pourquoi sont-elles ainsi, maman ?
— Courez vite voir si notre ami, celui qui avait gardé notre verger, n'est pas mort.
Ils le trouvent égorgé. Il cherchent partout, au bord de l'eau et sous l'eau, ses poumons. Ils voient soudain une énorme Écrevisse les traînant dans son trou de rocher. Ils reprennent les poumons et le foie. Le Vent du Nord plonge au fond de la mer et en ressort porteur de l'eau qui guérit et d'une potion de vie. Ils le frottent et le lavent avec ! [Joseph] s'en trouve sain et sauf.

Ils lui demandent alors :
— Où a disparu la damoiselle ?
— Je ne le sais pas, je me suis endormi.
— Tu as été égorgé !
Il cherche partout ; pas de trace de la damoiselle. Il demande conseil aux Vents :
— Que dois-je faire maintenant ?
Le Vent du Nord répondit :
— Va dans sa chambre, tu y trouveras la bride et la selle. Selle ton taureau, il se transformera en coursier si fringant qu'on ne trouvera pareil étalon dans tout le royaume. Monte-le, tu chevaucheras mieux sur mer que sur terre. Il t'emportera dans le royaume où se trouve la damoiselle. Ce jour-là, il y aura la foire aux chevaux, le roi cherchera à acheter ton cheval. Quand il se mettra à négocier, dis-lui : « Si vous voulez l'acheter, achetez vite, je n'ai pas le temps. » Répète-le jusqu'à ce que la damoiselle sorte (pour voir).

La damoiselle sortit et reconnut sa bête. Elle prit son époux par la main, s'appuya sur son pied pour monter à cheval. Le cheval s'éleva jusqu'aux nuages et ils se retrouvèrent bientôt dans leur manoir. Le jeune roi était triste. Il interroge les sorciers :
— Que peut-on faire maintenant ?
— Il n'y a plus rien à faire !
La damoiselle, une fois rentrée, libère son taureau. Le taureau s'agenouille et se met à parler d'une voix humaine :
— Coupe-moi la tête !
La damoiselle ne le voulait pas, mais elle dut céder. Dès qu'elle eut coupé la tête, un quart de la mer disparut et se transforma en terre. Le taureau, à son tour, reprit la forme de son frère. Elle coupa la tête aux trois vaches : ses sœurs surgirent à leur place. Toute la mer disparut et devint terre. Le « monde » (= les gens) commença à vivre. Elle resta la reine de cette terre et son mari, le roi. Il avait ainsi purgé la peine pour le rachat du frère et des sœurs de son épouse. Ils furent heureux et vécurent [longtemps]. Ainsi finit l'histoire.

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