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Dominique Thillaud

Recherches eurindiennes

Ces recherches, appuyées sur la philologie et l'étude comparative, portent sur les rapprochements que l'on peut faire entre les peuples d'ascendance eurindienne dans les domaines de la religion et de l'épopée.

L'Inde et la Grèce fournissent l'essentiel du matériel, non seulement en raison de l'abondance de celui-ci, mais, surtout, en raison de leur relative proximité linguistique et du rapport fréquent qui s'y établit entre un héros et un dieu dont il est l'hypostase, rapport qui permet d'étendre les comparaisons à une structure en carré :


dieu grec dieu indien
héros grec héros indien

La comparaison nécessite alors quatre démonstrations (deux horizontales et deux verticales) mais elle en devient considérablement plus sûre, surtout quand plusieurs de ces carrés rentrent dans une structure commune à leurs quatre termes (trifonctionalité ou autre).

ÉTUDES

Les Cinq maris d'Hélène (en attente)

résumé : Comparant la structure du Cycle troyen avec celle de l'épopée indienne du Mahābhārata, on établit un parallèle entre les cinq époux attribués à chacune de leurs héroïnes respectives ainsi qu'entre les divinités dont ils sont les hypostases :

Aphrodite Śrī
Hélène Draupadī
épouse de
Poseidon Dharma
Thésée Yudhiṣṭhira
Éaque Vāyu
Achille Bhīma
Zeus Indra
Ménélas Arjuna
Apollon 1er Aśvin
Pâris Nakula
Hermès 2nd Aśvin
Déiphobe Sahadeva

Ceci nécessite un grand nombre de démonstrations, surtout dans le cas grec où la relation hypostatique n'est pas toujours évidente. La structure globale (3 + 2) des cinq époux humains est claire, les aînés d'un autre peuple ou d'une autre mère que les cadets, les cadets plus frères que les aînés, mais le rang d'Achille parmi ceux d'Hélène reste un problème ouvert (second, quatrième ou cinquième ?).

Agamemnon et Ménélas (inachevé)

résumé : On étudie ici l'hypothèse selon laquelle, primitivement, les deux Atrides n'auraient pas été des frères mais des beaux-frères, Agamemnon ayant été le frère d'Hélène, et Ménélas l'époux de celle-ci. On examinera d'abord les nombreuses faiblesses, voire contradictions, de la tradition qui fait des deux héros les fils d'un douteux Atrée puis on étudiera la structure que je propose :

Héraklès Agni
Agamemnon Dhṛṣṭadyumna
frère de
Aphrodite Śrī
Hélène Draupadī
épouse de
Zeus Indra
Ménélas Arjuna

Et on peut y ajouter une forte relation de connivence entre les deux carrés masculins, soit qu'ils combattent ensemble, soit qu'ils se substituent l'un à l'autre. Ce point de vue résoud en Grèce un certains nombre de difficultés, géographiques (Agamemnon laconien) et surtout parentales : Agamemnon devenant l'oncle maternel d'Iphigénie, son sacrifice devient réellement criminel (elle est son propre sang), Oreste et Hermione n'étant plus des cousins parallèles mais croisés, leur mariage devient légal.

Parmi les 24 démonstrations qu'implique ce nouveau schéma, les deux fraternités divines ainsi que la relation hypostatique entre Héraklès et Agamemnon reposent sur des bases faibles. On en examinera les motifs possibles mais la pertinence des 21 autres suffit évidemment à celle de l'ensemble.

Les seconds rôles dans l'épopée (en attente)

résumé : Outre les acteurs principaux analysés dans l'étude précédente, on montre que c'est pratiquement l'ensemble de tous les personnages du Cycle troyen qui trouve une correspondance dans le Mahābhārata. Parmi les principaux :

Hermès Viṣṇu
Ulysse Kṛṣṇa
,
Zeus (ciel) Dyu
Nestor Bhīṣma
,
Hélios Sūrya
Glaucos Karṇa
ennemi de
Zeus (orage) Indra
Diomède Arjuna

respectivement comme conseillers retors, cadres temporels et adversaires par nature, le dernier cas conduisant à examiner en détail le dédoublement que le type d'Arjuna subit dans l'épopée homérique entre Ménélas et Diomède, le second ne se révélant en fait qu'une épiclèse du premier l'assimilant abusivement au fils de Tydée du Cycle thébain.

On passe plus rapidement sur les correspondances Hector/Duryodhana et Priam/Dhṛtarāṣṭra qui ne portent que sur des points de détails mais on insiste sur le parallèle entre Timandra (sœur/frère d'Hélène) et Śikhaṇḍin (frère/sœur de Draupadī), où le thème du changement de sexe est si incongru qu'il suffirait presque à lui seul à attester d'un fond commun aux deux épopées.

Le Sacrifice du cheval (en attente)

résumé : La trame principale du Mahābhārata est encadrée par deux grands sacrifices, le rājasūya, « onction royale » (livre II), et l'aśvamedha, « sacrifice du cheval » (la totalité du livre XVII), destinés à assurer au récipiendaire la royauté universelle (samrāja) et le triomphe sur les ennemis. On montre que la même structure est à l'œuvre dans le Cycle troyen. Celui-ci commence en effet par le « Serment des prétendants » qui soumet les rois de Grèce à Ménélas et se clot par l'épisode du « Cheval de Troie » dont la description la plus complète, celle des Posthomerica de Quintus de Smyrne, suit sur de très nombreux points le déroulement du rituel indien (sacrifice du chien, abandon du cheval à son destin, triple circumambulation, grivoiseries de la reine, mort par étouffement).

L'Histoire mythique d'Athènes (en attente)

résumé : L'histoire de Pandion et de ses quatre fils, Égée, Pallas, Nisos et Lycos, exilés par leurs cousins les Métionides et reconquérant le pouvoir n'est pas sans évoquer la trame principale du Mahābhārata, épopée que j'ai précédemment comparée au Cycle troyen, le parallélisme s'étendant même aux noms de certains d'entre eux (Pandion/Pāṇḍu, Pallas/Pélée, Nisos/Nāsatya, Lycos/Apollon).

Bien que la matière n'en soit fournie que par des mythographes tardifs (Apollodore, Pausanias, Plutarque) et qu'elle soit très corrompue (doublon Érechthée/Érichthonios, deux Pandion, deux Cécrops) une analyse plus fine des généalogies reste possible qui s'appuie sur les ambiguïtés de la langue grecque (patronymiques pouvant sauter une génération, non distinction des deux grands-pères, suffixations permutables). Elle semble confirmer l'existence d'un matériel épico-théologique perdu qui aurait servi de base à la constitution d'une histoire d'Athènes. Le point le plus intéressant est que certains traits en sont plus proches de la matière indienne que du Cycle troyen, ce qui renforcerait l'hypothèse d'un héritage commun.

La Version lithuanienne (en attente)

résumé : Cette étude est consacrée à l'analyse d'un conte populaire lithuanien, La Soleil et la mère des Vents (sic) où, sous le déguisement du matériel folklorique (épreuves, animaux secourables, géants), se laisse lire une trame qui reproduit jusque dans des détails étonnants celles que nous avons jusqu'ici reconnues en Grèce et en Inde.

L'analyse des motifs du conte conduira également à deux digressions, l'une sur le symbolisme des adjuvants animaux, l'autre sur le rôle du Minotaure dans les aventures crétoises de Thésée qui sont peut-être, sous un aspect très schématique (primitif ? dégradé ?), une troisième version grecque à introduire dans notre corpus.

La Tablette mycénienne PY Un 219

résumé : Cette tablette, découverte près de Pylos lors des fouilles de l'établissement dit « Palais de Nestor » et qui consiste en une liste d'attributions à divers personnages, se singularise par une grande hétérogénéité de ces derniers qui, en apparence, mélangent noms de métiers et théonymes.

Je propose de reconnaître dans les noms de métiers des épiclèses de divinités et j'interprète le document comme témoignage d'un rituel, analogue au lectisterne romain, où l'on sacrifie à tous les dieux. L'interprétation s'appuie sur la structure du panthéon grec et sur la comparaison avec des listes semblables, mises en évidence par Georges Dumézil, plus particulièrement ici dans les religions indienne et romaine.


abstract : This tablet was found near Pylos when digging the building called « Palace of Nestor ». It contains an allocation list to various characters, and calls attention by the great heterogeneousness of this characters, who, apparently, mix occupational names and theonyms.

I propose to recognize epicleseis of divinities in the occupational names, and I interpret the document as witnessing to a ritual, similar to the Roman lectisternium, where sacrifices are made to all the gods. This interpretation uses the structure of the Greek Pantheon and the comparison with similar lists, putted in prominent position by Georges Dumézil, especially here in the Indian and Roman religions.

Les Dieux souverains à Athènes (en attente)

résumé : On reconstitue un état préalphabétique des divinités de première fonction à Athènes où celles-ci étaient cinq, deux claires et trois sombres, avec une subdivision orthogonale en deux lointaines et trois plus proches des préoccupations humaines. Soit le tableau :

justice punition
lointain
proche
*Théson Poséidon
Athéna Héphaistos/Arès

où Héphaistos et Arès s'opposent comme le Lieur et le Tueur.

Ultérieurement, la figure de *Théson s'efface, pour plusieurs raisons : sur le plan théologique, la tendance des dieux de ce type à devenir des dei otiosi (voir Mitra en Inde ou Dius Fides à Rome), en liaison ici avec la montée en puissance de Zeus qui passe de la seconde fonction à la souveraineté universelle ; sur le plan historique, le succès du personnage de Thésée sur lequel se transfèrent le nom et les principales fonctions du dieu : doter la cité d'une existence légale (synœcisme) et en fonder les cultes principaux.

Le nom de *Théson (datif mycénien teqijone) ne survit plus que dans ceux d'une fête, les Théseia, et d'un temple, le Théseion, Pausanias s'étant trompé en en faisant un Héphaisteion, les chaînes qu'il a vues sur la statue du dieu n'étant pas métaphoriques des liens ni de l'art de la forge, mais métonymiques de la libération des esclaves injustement traités.

*Théson disparu, Athéna reste seule représentante de l'aspect clair. Elle se trouve alors dans un rapport d'opposition avec Poseidon (dispute de l'Attique) et de connivence avec Héphaistos (parallélisme de leurs fêtes et de leurs épiclèses rituelles, rôles de progéniteurs des lignages masculin et féminin d'Athènes par Éréchthée et Pandore). Cette connivence apprivoise le Lieur qui va contribuer par l'industrie à la richesse d'Athènes et éloigne le Tueur qui ne sera plus qu'une divinité secondaire, voire méprisée.

Apollon et Hermès (en attente)

résumé : On commence par une longue étude, interne à la Grèce, des rapports fonctionnels et structurels qui unissent étroitement les deux frères, les plaçant sur de nombreux points dans le domaine de la troisième fonction eurindienne, tout en examinant aussi les aspects, propres à chacun d'eux, qui les colorent différemment.

La seconde partie est consacrée au comparatisme avec l'Inde où l'on trouvera des relation entre le couple Apollon/Hermès et plusieurs couples indiens. Dès le védisme : les deux Aśvin ainsi que Rudra/Viṣṇu, dans l'épopée : Nakula/Sahadeva, fils et incarnations des Aśvin, voire, dans l'hindouïsme : Śiva/Viṣṇu.

Héraklès et Dionysos (en attente)

résumé : Examinant les nombreuses similitudes qui existent entre les deux divinités à carrière terrestre que sont Héraklès et Dionysos, on est amené à les mettre en correspondance avec le couple que forment en Inde Agni et Soma, divinités circulant, feu et eau, sur l'axe vertical joignant le monde des dieux à celui des hommes, chemin du sacrifice.

Le rapport entre Dionysos et Soma conduit, à travers deux études internes, à une identication de la plante soma avec le lierre, celui entre Héraklès et Agni invite à prendre également en considération les dieux de l'orage, Zeus et Indra, avec lesquels ils sont en étroite liaison. On remarquera aussi que, alors que les dieux liés au feu possèdent des hypostases épiques (Agamemnon et Dhṛṣṭadyumna), ceux liés à la boisson sacrée en sont dépourvus en Grèce comme en Inde, disjonction qui nous renvoie à celle du sacrificateur et de la victime et aux passions de Dionysos et de Soma.

Anhystérogénèses et femmes fatales (en attente)

résumé : On ouvre ici le dossier comparatif de déesses et d'héroïnes dont la naissance n'a pas fait intervenir d'utérus (sanskrit « ayonisaṁbhava »), qui sont d'une extrême beauté et qui, à des degrés divers, ont à voir avec le malheur des hommes. Outre deux déesses, l'indienne Śrī et la grecque Aphrodite, surgies d'un pur barattement d'écume, et leurs hypostases, Draupadī née de l'autel sacrificiel et Hélène de la coquille d'un œuf, on examinera les cas de trois héroïnes explicitement « fabriquées » : la grecque Pandore, l'indienne Lopāmudrā et la galloise Blodeuwedd.

Un des intérêts de l'étude est de tenter d'établir une distinction entre héritage commun et mysogynie commune.

Vierges et orages (en attente)

résumé : Une racine *(s)per- avec extension en gutturale, au sens général de « arroser » est à l'origine du nom du dieu de l'orage tel qu'il apparaît dans le sanskrit Parjanya, le lithuanien Perkunas et le scandinave Fjörgyn. Je propose d'en reconnaître de nouvelles occurrences, soutenues par le schéma qui attribue la naissance d'enfants naturels au rôle fécondateur de la pluie. Entreront dans cette liste le fleuve Sperkheios, père du Myrmidon Menesthios, le latin spurius, « enfant naturel », et, peut-être, le héros irlandais Fergus.

Le point le plus étonnant est d'y joindre le grec παρθένος, « vierge », qui pourrait ainsi être interprété comme un dérivé inverse de παρθένιος, « fils de vierge ».

Vérité et immortalité (en attente)

résumé : Partant des trois Styx de la Grèce, la cascade des enfers sur l'eau de laquelle jurent les dieux, celui d'Arcadie où des guerriers prêtent serment et celui d'Éphèse utilisé en ordalie dans les cas d'adultère, on établit un lien entre l'attestation de vérité et trois immortalités, trifonctionnellement réparties, celle des dieux, celle du renom, celle du lignage.

La prise en compte de cette dernière conduit à compléter et préciser les schémas reconnus par Georges Dumézil sur les coupes et puits de vérité, ajoutant également au dossier les témoignages médiévaux de Caradoc (Première continuation de Perceval) et d'Yseut (Tristan de Béroul).

La Trifonctionalité, un artefact ? (en attente)

résumé : On répond ici à une question de Georges Dumézil sur la variabilité en taille et en répartition des listes trifonctionnelles comme, par exemple, celle des quatre rois pré-étrusques de Rome (2+1+1) ou celle des cinq frères Pāṇḍava (1+2+2). En fait, la structure pertinente est celle d'arbre binaire où chaque nœud de l'arbre est susceptible, récursivement, de donner naissance à deux sous-arbres. Ceci conduit à des représentations :


 politique   prospérité (III) 

 | 
 justice (I)   guerre (II)  | 

 |  | 
 punition  contrat   |  | 
 |  |   |  | 
 Romulus  Numa   Tullus  Ancus 
                  
 politique   prospérité (III) 


 justice (I)   guerre (II)   beauté  intelligence 
 | 
 |  | 
 |   brutalité  loyauté   |  | 
 |  |   |  |   | 
 Yudhiṣṭhira   Bhīma   Arjuna   Nakula   Sahadeva 

où la trifonctionalité n'apparaît plus que comme un élagage de l'arbre au voisinage de sa racine.

Le caractère universel, local et récursif de cette dichotomie sera analysé en détail dans trois cas de gémellité qui ont pu jusqu'ici être abusivement assimilés, les Aśvin indiens, Kastor et Polydeukès, Rémus et Romulus.

La nature variable de l'opposition binaire, que je schématise grossièrement dans une dialectique « clair vs sombre », sera aussi examinée, chacune de ses réalisations pouvant nous instruire sur une éthique générale des populations eurindiennes.

Théonymes, épiclèses et épithètes (en cours)

résumé : Je regroupe ici sous forme de glossaire un certain nombre d'analyses phonétiques concernant des épiclèses et des noms divins. Les aspects sémantiques qui les justifient n'y sont qu'évoqués brièvement et, pour plus de détails, on devra se reporter aux études dans lesquelles ils sont développés.

L'évolution en sanskrit du groupe « ndy » (en attente)

résumé : On montre ici, sur un certain nombre d'exemples que le groupe consonantique eurindien *ndy a évolué en sanskrit vers une chute du yod avec cérébralisation des dentales et allongement compensatoire de la voyelle précédente : ‾ṇḍ, cette évolution ne se manifestant que dans la partie radicale des mots, la restitution analogique ayant conservé la forme ancienne dans tout ce qui a trait à la morphologie.

L'origine de cette étude a été de donner un fondement phonétique au rapprochement que je fais ailleurs sur des motifs sémantiques entre le roi athénien Pandion et le héros indien Pāṇḍu.