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Saint-pierre

Zeus faber Linné

saint-pierre

Les noms du poisson

Les noms anciens

Un nom ancien du poisson nous est donné par Pline, c'est le latin zeus (parfois écrit zaeus) qui serait issu du grec ζαιός, ce qui est confirmé par une glose d'Hésychius : « ζαιός· εῖδος ἰχθύος » [zaios : espèce de poisson]. C'est de ce terme que sont tirés le nom de genre Zeus et le français savant « zée ».

Le grec ζαιός doit reposer sur un *dyāw-yo- « relatif à Zeus ». Le vocalisme radical étonne (le nom Ζεύς repose sur un thème *dyēw-) mais un certain nombre de formes en « ā » pour le nom du dieu sont bien attestées en grec et on a supposé qu'elles avaient subi l'influence du sanctuaire d'Olympie (le plus important du dieu avec Dodone) où le dialecte éléen connaissait une évolution « ē > ā ». Malheureusement, aucun mythe n'a survécu aux ruines des siècles pour nous expliquer quels rapports avaient pu être établis entre le dieu et le poisson …


Il est également connu sous le nom grec de χαλκεύς « forgeron », un très vieux mot (mycénien ka-ke-u) issu de χαλκός « cuivre, bronze » (myc. ka-ko), peut-être un nom lié à la couleur rouge si on le rapproche de κάλχη (variantes χάλκη, χάλχη), un des noms de la pourpre. On retrouve ce nom du poisson en latin dans la traduction faber « ouvrier, artisan », terme qui désignait surtout le charpentier et le fondeur puis qui s'est spécialisé dans les langues romanes au sens de « forgeron » (ancien fr. fèvre, à l'origine de nombreux patronymes).

On pourrait évoquer les reflets les reflets métalliques à dominante cuivrée du poisson mais une meilleure hypothèse expliquant ce nom, soutenue par son nom turc de « charpentier », s'appuie sur l'ossature robuste et structurée de la tête qui évoquerait un attirail d'artisan.


Taxinomie

Zeus est la forme latine du nom grec.

faber est l'autre nom latin.


La marque des doigts

Parmi les noms actuels, la série la plus importante est basée sur les taches noires latérales, interprétées comme des marques de doigts et justifiées par diverses légendes de la mythologie chrétienne. Il n'est pas exclu, le fait est commun, que ces légendes et ces appellations (leur variété même en est un signe) marquent une volonté de christianiser un poisson au nom trop explicitement païen. Pour cette raison, j'ai joint à la série les noms qui peuvent être la marque d'une islamisation :


L'artisan

Une autre série appartient à la famille du latin faber. Les formes du slave reposent sur un thème eurindien *kāw- « battre, forger » (lat. cūdō, all. hauen « frapper », tokh. B kau « tuer »).

Le turc dülger « charpentier » est un emprunt au persan durgar (< *durūd-kar « faiseur de planches ») où l'on retrouve le thème *dr-w-, nom eurindien du bois et de l'arbre (avestique dāᵘru « bois », grec δόρυ « planche, bois de lance > lance », δρῦς « chêne », δένδρεον < *der-drewon « arbre ») :


Les écailles d'or

Une autre série évoque les reflets rosés et dorés du poisson. On accole parfois au nom le prénom « Jean », pour une raison que j'ignore mais que je soupçonne être un aller-retour par l'anglais John Dory d'un syntagme « jaune doré ».


La poule de mer

Une autre série compare le poisson à la poule, peut-être en raison de ses filets, blancs et fermes qui se détachent facilement sans arêtes. Les formes romanes, sauf françaises, dérivent du latin gallus « coq » :


La cithare

Les longs rayons de la nageoire dorsale, dressés sur un corps oblong, évoquent aussi pour les Italiens la cithare. Un des noms grecs de la lyre, κιθάρα, emprunté par le latin cithara, puis citera, aboutit à l'italien cetera, puis cetra. Les formes dialectales du sud laissent supposer un diminutif latin *citerula qui n'est pas attesté :


La petite roue

Une série assimile aussi le poisson à une petite roue, éventuellement à travers le diminutif latin rotula, dissimilé en *retula. Peut-être est-ce dû à sa nage si l'on en croit Bernardin de Saint-Pierre : « Il y en a de ronds qui voguent en tournant avec les vagues, comme un rouet dont ils portent le nom » :


Le reliquat

Enfin, un certain nombre de noms restent à traiter :

Les recettes

La chair ferme et goûteuse de ce poisson n'a guère besoin d'une cuisine complexe : il peut se consommer cru en sashimi, recevoir tous les apprêts de la sole et du turbot, et ceux de petite taille sont un composant presque obligé d'une bouillabaisse de qualité.


Alan Davidson propose deux recettes familiales simples pour accomoder le saint-pierre :
Saint pierre à la Parmentier
Filetti di pesce gallo al marsala (filets de saint-pierre au Marsala)


Mais on trouve également sur la toile des recettes plus sophistiquées :
Saint pierre à la mélasse de grenade
Saint-pierre poêlé à l'huile d'olive et au curry
Filet de Saint Pierre à la dieppoise
Χριστόψαρο με μυρωδικά (saint-pierre aux aromates, en grec)